La ville est-elle vivable pour le chien?
Par Jean-Claude ARNAUD, Directeur du centre de formation au comportement animalier ACCEFE
Je ne reviendrai pas ici sur l’utilité pour l’homme de vivre avec un chien, c’est une évidence largement admise, mais pour le chien le vivre en ville apporte-t-il les facteurs d’équilibre éthologiques nécessaires à l’espèce? La sexualité? Pour notre confort elle lui a été supprimée. La nourriture? Il doit se contenter de ce qu’on lui donne. Le territoire? Il le subit plus qu’il ne le gère ou se l’approprie, le comportement exploratoire est réduit à la portion congrue. Pour un chien vivre en ville est une gageure, ce milieu ne lui est pas destiné il lui est même carrément hostile, sans l’homme il lui est, pratiquement invivable. La conclusion est radicale, si nous prenons un chien il est de notre responsabilité de devenir son référent et de lui proposer une transposition de son milieu naturel dans le cadre citadin. C’est ici que le chien est remarquable, la plupart des sujets s’adaptent et souvent s’attachent à l’homme ce qu’aucune autre espèce n’est capable de faire. Cette mise sous contrainte ne peut être à sens unique, celui qui prend un chien a aussi la responsabilité d’aider son animal à s’épanouir, à retrouver dans ce qu’on lui propose des repères compréhensibles pour lui. La médecine humaine moderne constate qu’avoir un chien ou plus largement un animal de compagnie est positif pour la santé de l’homme. Il nous appartient à nous référents de nos chiens de les aider à exprimer et satisfaire leurs besoins éthologiques dans le monde urbain hostile que nous leur imposons.
Il existe de nombreuses possibilités permettant de proposer à nos animaux une nutrition appropriée, je ferai cependant une remarque, en leur proposant une alimentation régulière et à horaire fixe nous allons à l’encontre d’un besoin éthologique essentiel à l’équilibre, la quête de la nourriture et la prédation. On pourrait facilement établir un parallèle avec les comportements de l’homme dans le domaine de la nutrition, manger chaque jour la même nourriture de manière invariante peut à terme provoquer des dégénérescences, il n’est pas exclu qu’il en soit de même pour d’autres mammifères. Proposer à son chien des activités substitutives au besoin éthologique de recherche de nourriture contribue à son équilibre émotionnel et psychique. Nous avons donc un effort d’imagination important à fournir pour que la ville soit pour nos chiens un espace dans lequel ils puissent se réaliser.
J’en arrive à l’appropriation et l’exploration du territoire. Ce comportement essentiel pour l’équilibre mental de l’animal doit être encouragé. Sortir le chien pour faire le tour du pâté de maisons afin qu’il élimine est nettement insuffisant. Il est impératif de proposer à nos amis canins la possibilité de visiter de nouveaux espaces, de faire des rencontres, de faire de l’exercice physique mais aussi mental dans la ville, d’explorer de nouvelles pistes. En un mot d’inventer la substitution de leur milieu éthologique naturel et de leur proposer des activités compatibles avec leurs besoins spécifiques. Il est dès lors important d’apprendre à lire son chien pour comprendre ses réactions, il nous envoie en permanence des signaux qu’il convient d’apprendre à décoder même si une bonne partie de la communication canine, olfactive par exemple, ne nous est pas accessible. En ville les sources de stress sont nombreuses et si un minimum de stress est nécessaire à la stimulation des équilibres mentaux, l’excès est bien connu pour l’impact négatif sur le système cognitif neuronal et plus généralement biologique. N’oublions jamais que nos animaux sont comme nous sujets à la peur, aux phobies, à l’anxiété, et parfois à la dépression.
Le chien est un animal social par excellence, en pourvoyant aux besoins élémentaires de notre animal nous pouvons devenir son référent, c’est un point essentiel pour évoluer en ville avec lui. En laisse il se trouve dans l’impossibilité de choisir une issue aux situations nouvelles, il est indispensable qu’il puisse se retourner vers nous pour évaluer le contexte dans lequel il se trouve. La chose la plus importante est d’acquérir sa confiance. Pour le faire il faut impérativement savoir lui transformer la ville en terrain d’exploration et de jeu qui lui deviennent accessible dans le son cadre de perception environnementale. Pour cela il nous faut comprendre que le chien est un animal grégaire, c’est un animal de communication dont une partie du langage, olfactif par exemple, ne nous est pas accessible. Il nous faut comprendre que l’exploration et la rencontre de congénères, de personnes, de nouveaux espaces participent de son équilibre émotionnel. Et c’est bien à nous, leurs gardiens, de leur présenter la ville comme un milieu d’évolution agréable avec des règles de sécurité et de convivialité. C’est à nous en encadrant nos animaux de montrer qu’ils sont utiles à tous, qu’une ville sans chiens ou sans animaux de compagnie est une ville un peu plus morte et inhumaine, que la conduite exemplaire des couples maîtres/chien dans la ville améliore grandement la sociabilité de la population. Cette ouverture d’esprit ne peut que participer à l’amélioration des relations sociales des populations urbaines. J’ai sincèrement la conviction que le chien existe pour que l’homme soit meilleur.
Jean-Claude Arnaud – www.accefe.com