Un manifeste au secours des animaux
Par Christine Le Tenier
Le 24 octobre dernier, la Fondation 30 millions d’Amis a rendu public un manifeste réclamant l’évolution du statut juridique de l’animal d’un bien meuble à la reconnaissance d’un être vivant et sensible. Il est maintenant scientifiquement prouvé que l’animal est un être capable de ressentir de la douleur et du plaisir. D’où la nécessité de modifier le Code Civil qui a conduit à ce manifeste recueillant 250.000 signatures en plusieurs mois et celles de 24 personnalités dont entre autres philosophes, écrivains, vétérinaires, psychiatres qui tous défendent la cause animale.
Parmi eux, on retrouve Frédéric Lenoir qui s’indigne contre la manière dont les animaux sont torturés dans l’indifférence générale et contre l’industrialisation de l’animal. Et d’ajouter sur Europe1 : « Nous ne devons pas opposer l’animal à l’humain ».
L’astrophysicien, Hubert Reeves confirme : « l’être humain doit faire des progrès dans la façon dont il considère l’animal ». En effet, plus de 200 ans après sa rédaction en 1804, notre code Civil considère encore les animaux comme des « biens meubles ». C’est en toute logique que l’astrophysicien conclut « qu’une avancée fondamentale dans la législation leurs permettraient de vivre une vie convenable et d’offrir une assise juridique plus forte contre la maltraitance ».
Quant à Matthieu Ricard qui vient de sortir son « Plaidoyer pour l’altruisme » son engagement ne date pas d’hier : la compassion doit s’étendre à tous il n’y a pas une catégorie supérieure à l’autre. « C’est en prenant conscience de notre interdépendance que l’on évoluera vers le progrès ».
Luc Ferry ne mâche pas ses mots : « le texte du code civil est totalement absurde » Le philosophe et ancien ministre s’explique, chat dans les bras, à la une du Parisien Libéré : « Il serait bienvenu de faire évoluer cette vision héritée de Descartes qui considérait les bêtes comme des machines. »
C’est tout naturellement que Boris Cyrulnik après avoir collaboré aux livres entretiens menés par Karine Loup Matignon : « Les animaux ont aussi des droits » (Éditions du Seuil) participe à ce manifeste. Invité du 13h de France-Inter lui aussi s’indigne « on ne peut plus considérer les animaux comme des choses ou des produits biologiques car ce sont des êtres vivants qui ont accès à un monde de représentations mentales et à un degré de liberté ».
Révision du statut juridique de l’animal : Utopie ou réalité ?
Suite à ce manifeste se tenait le samedi 26 octobre au Centre du bien-être animal à Paris une table ronde organisée par le Club Oscar, entre le public et 5 personnalités.* Ce fût un moment d’échange pour débattre d’un sujet d’actualité, le statut juridique de l’animal. Un débat relancé après le manifeste publié par la Fondation 30 millions d’amis. En effet, il s’avère que le statut juridique de l’animal n’a pas changé depuis l’époque napoléonienne où il est écrit à l’art.528 du Code Civil que « sont meubles par leur nature les animaux ».
Cela nous paraît tellement évident à nous, propriétaires de nos animaux de compagnie, que ceux-ci soient pleinement reconnus en tant qu’êtres vivants et sensibles et puissent ainsi bénéficier à juste titre d’une reconnaissance juridique. Mais c’est sans compter sur la complexité de la jurisprudence française où modifier l’article 528 reviendrait à modifier le droit à la propriété. Comme le souligne Anne Vosgien, « il faudrait trouver un statut intermédiaire entre l’humain et l’objet et faire de l’animal un sujet de droit en tant que tel ».
S’ajoute à cela un réel manque de sensibilité animale au sein de la culture française et judiciaire ainsi que de respect des lois. Serge Belais, en tant qu’ancien Président de la SPA pendant 6 ans, confirme cette réalité. « Notamment lors du transport des animaux, la France a toujours obtenu les dérogations qu’elle demandait alors que les autres pays européens respectaient la réglementation européenne en vigueur».
Selon Jean-Luc VUILLEMENOT « pour changer les mentalités et être crédible, il faudrait trouver une troisième voie et créer un discours fédérateur alliant les approches économiques, philosophiques et sociologiques pour le bien-être animal ».
D’autres pays d’Europe comme la Suisse, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne ont adopté des dispositions à l’égard des animaux. La France, pays des droits de l’homme ne pourrait-il pas devenir aussi le pays des droits de l’animal ?
* Anne VOSGIEN, Avocate Générale à la Cour d’Appel de Paris et Présidente du Comité OKA
Dr. Serge BELAIS, Vétérinaire et Vice Président du Comité OKA
Jean-Luc VUILLEMENOT, Attaché parlementaire et Responsable de l’agence conseil « Animal, Faits & Société »
Pr. Gilbert MOUTHON, Professeur vétérinaire et Secrétaire Général de la FONDATION ASSISTANCE aux ANIMAUX
Enrique UTRIA, Philosophe et signataire du manifeste