Charles Dumont : Quand mes chiens en ont ras le bol de ma musique…
Par Brigitte Bulard-Cordeau, auteur de « Chien des villes »
« Mon Dieu, laissez-le moi /Encore un peu »… Qui pourrait oublier la voix d’Edith Piaf mais aussi l’écriture de Charles Dumont, parfois associé à Jacques Brel, Georges Moustaki ? D’un ton qui déchire l’âme, Il chante l’amour, les femmes, « Fille de chien, fille de roi», et dans son cœur il y a toujours une place pour les chiens.
Vous ne cessez de chanter l’amour. Croyez-vous à l’amour des animaux envers les hommes ?
S’il y a une chose dont on ne peut pas douter, c’est que les bêtes (qui ne le sont pas) ont généralement plus d’amour pour les humains que les humains pour elles, à en juger par leur comportement.
« Toute ma vie est une musique », chantez-vous. Quels sons, quelles notes, quel genre de musique représente le chien dans votre existence ? Ou si vous préférez, si le chien était une musique, laquelle serait-il ?
Tout ce qui est Amour est Musique. Celle des animaux, complexe et contradictoire, est composée d’harmonies les plus belles, si subtiles qu’elles sont pratiquement silencieuses.
Une vie de chien auprès d’un poète, chanteur, compositeur, n’est-ce pas idéal ? Comment se déroule-t-elle ?
La vie d’un chien auprès d’un poète, compositeur ou chanteur ne dépend évidemment que de l’artiste. En ce qui me concerne, je peux dire qu’en tant que compositeur, certains de mes chiens, lorsqu’ils en avaient assez de m’entendre taper sur mon piano, ne manquaient pas de manifester leur « ras le bol ». Avec leurs grognements ou leurs plaintes, je n’avais aucun doute : ma musique les agaçait.
Pensez-vous que le chien, fidèle ami de l’homme, puisse être sensible à « la voix de son maître », quand il chante ?
Pour un chien, la tonalité de la voix de son maître lui procure immédiatement, selon le cas, la crainte, la peur ou la joie, et cela, que son maître parle, crie, chante faux ou juste.
Comment décrivez-vous les sonorités de l’aboiement du chien ?
L’aboiement d’un chien témoigne toujours de la joie qu’il éprouve ou d’un éventuel danger qu’il ressent, bien avant tout le monde.
« Fille de chien, fille de roi »… Quel est le sens de cette chanson qui date de 1978 ?
Le poète Etienne Roda Gil, qui a écrit les paroles de cette chanson, a voulu dire dans ce texte sur lequel j’ai posé la musique que « fille de chien, fille de roi, fille de pauvre ou fille de riche » quand on aime, cela ne change rien.
« Une chanson, c’est trois fois rien (…) Du champagne, un frisson »… Quelle chanson, de Charles Dumont au autre, vous habite actuellement ?
Les chansons, c’est comme nos enfants, on les aime tous, qu’ils aient du succès ou non. Mais comme pour eux, le plus jeune, le dernier arrivé, nous semble être le plus fragile. Il faut bien l’avouer, on est forcément plus attentionné, plus inquiet, alors on se concentre sur lui.
C’est ainsi que la dernière chanson écrite nous semble toujours celle où nous devons nous battre le plus.
Tel est mon cas avec mon dernier disque, résumé de 40 années de chansons sous le titre générique mais non exhaustif de « Toute ma vie ».
Quelle est celle que vous aimez le plus chanter ? Celle qui vous fait toujours frissonner ?
J’aime les chanter toutes, sinon je ne les aurais pas écrites. Celle qui me fait toujours frissonner, je ne pense pas vous étonner en disant que c’est « Non je ne regrette rien », chantée par Edith Piaf.
N’avez-vous pas cependant un regret quelconque ? En songeant à un chien… Dites-nous tout.
Il serait incroyable que l’on ne regrette rien, car comme le dit la chanson, pour le bien et le mal, il y a les autres. L’essentiel, c’est de ne pas regretter d’avoir vécu pour donner plus que pour prendre, alors oui, je ne regrette rien.
En ce qui concerne le bien et le mal que les autres peuvent vous faire, il m’est arrivé, l’aventure dramatique suivante. Un matin, à l’aurore, mon fils Philippe âgé de 16 ans est venu pour la première fois dans mon lit, se blottir contre moi, en pleurant.
On venait de lui apprendre que son chien, Sirius, venait de se faire écraser par une voiture.
Outre le fait que ce fut une redoutable épreuve pour mon fils, dont les conséquences ont été, je pense, le plus grand chagrin de son adolescence, pour moi, c’est aussi le regret que souvent des irresponsables n’aient pas la prudence élémentaire d’éviter ce genre d’accident (trop souvent fréquent, tant pour les enfants que pour les animaux).
