Accorder de la valeur aux animaux
Par Matthieu Ricard, moine bouddhiste, auteur et photographe
Si la question des droits de l’homme est déjà complexe, celle des animaux l’est encore plus…Si l’extension de l’altruisme à tous les êtres qui nous entourent est une faculté unique au genre humain, son extension aux animaux n’en est qu’une conséquence logique. Que les animaux ne soient pas conscients du concept de droits n’enlève rien au fait que, comme nous, ils aspirent à ne pas souffrir, à rester en vie et à rechercher les conditions les plus propices à leur bien-être. Nous ne pouvons donc nous sentir dispensés de nous interroger sur les conséquences de nos actions et de notre mode de vie. Accorder de la valeur à l’autre et être concerné par sa situation représente deux composantes essentielles de l’altruisme…
Il est indispensable de protéger les animaux contre les abus et les souffrances auxquels les soumettent ceux qui, précisément, manquent de compassion à l’égard des êtres sensibles que sont les animaux…
Or, comment une bonne partie de notre société traite-t-elle les animaux ? Ecoutons un dirigeant de la firme américaine Wall’s Meat : « La truie reproductrice devrait être conçue comme un élément précieux d’équipement mécanique dont la fonction est de recracher des porcelets comme une machine à saucisses, et elle devrait être traitée comme telle. ». Si la dévalorisation des êtres humains conduit à les assimiler à des animaux et à les traiter avec la brutalité que l’on réserve souvent à ces derniers, l’exploitation massive des animaux s’accompagne d’un degré de dévalorisation supplémentaire : ils sont réduits à l’état de produits de consommation, de machines à faire de la viande, de jouets vivants dont la souffrance amuse ou fascine les foules. On ignore sciemment leur caractère d’êtres sensibles pour les ravaler au rang d’objets. Lorsqu’une société accepte comme allant de soi la pure et simple utilisation d’autres êtres sensibles au service de ses propres fins, n’accordant guère de considération au sort de ceux qu’elle instrumentalise, on ne peut parler que d’égoïsme institutionnalisé. C’est ce qu’exprimait Gandhi dans sa célèbre maxime : « La grandeur et le développement moral d’une nation peuvent se mesurer à la manière dont elle traite ses animaux. » En bref, nous décidons quand, où et comment ils doivent mourir, sans nous soucier de leur sort, de leur ressenti et de leur volonté de rester en vie.
Est-il encore possible de garder les yeux fermés? Cela ne dépend que de nous.
Plus que par le droit, c’est par l’altruisme et la compassion que l’on doit protéger les animaux.
Extrait de l’éditorial du magazine « Le Point » – 17 Octobre 2013
Matthieu Ricard, (membre du conseil scientifique d’Ecolo-Ethik) coprésidera le 7 février 2014 au Sénat, un colloque international
sur le droit des animaux.
www.matthieuricard.org