Une manifestation à cœur ouvert
Par Armelle Oger, journaliste et écrivain
« Mémère à chien moi ? Surement pas ! Attachée à son compagnon à quatre pattes ? Sans conteste ! Et persuadée du supplément d’âme apporté par l’animal dans « les villes de grande solitude « assurément ! Comme tous ceux qui s’étaient donné rendez vous à l’appel du comité OKA pour une grande première : une marche canine !
Et c’est ainsi que « Lola », demoiselle Jack Russel de dix printemps et sa maitresse se sont retrouvées en tout début d’après midi sur le parvis de la mairie du premier arrondissement sous l’œil interloqué des clients du café de la place effarés –« c’est un casting pour le cinéma ? », de voir débouler par vagues successives tous les représentants , ou presque, de la gent canine parisienne : à poils longs , rasés de prés , petits modèles ou poids lourds, tel un inventaire à la Prévert, une armada de fox terrier, labrador, berger allemand , cocker , épagneuls , yorkshire , lévrier et même un pitbull débonnaire : plus de huit cent toutous et leurs maitres (selon les organisateurs et… la préfecture de police qui une fois n’est pas coutume furent d’accord sur les chiffres ! ) se retrouvèrent dans un joyeux brouhaha et la presque canicule d’un des rares jours qui ressemblait au printemps .
Vérifiant s’il en était besoin la capacité du chien à être un vecteur de ralliement, de communication et de rencontre, l’attente du mot d’ordre de départ me permis d’apprendre qu’il y avait là Mistoufle la timide , Luna l’extravertie , Coco le macho , les inséparables Jack et Babette , Look toiletté pour l’occasion , Fun , Billy , Noiraud , Milo , Rio… Présentations, confidences, échange de trucs et astuces : à côté de leurs maitres et maitresses volubiles, le petit peuple des canidés avait parfois quelque mal à retenir son excitation à se retrouver en aussi vaste compagnie. Tandis que Luna faisait sa coquette avec Coco , sa maitresse, une jolie blonde racontait au maitre de ce dernier , particulièrement intéressé, comment la petite chienne la suivait en douce le matin au bureau ; deux jeunes amoureux retenant tant bien que mal deux fougueux labradors expliquaient qu’ils préféraient rester en grande banlieue pour vivre avec leurs chiens et une famille au grand complet, papa, maman, les deux fistons et Belle le grand berger au poil roux confiaient combien ce dernier avait aidé le petit dernier malmené dans ses premiers pas scolaires. Vingt ans rieurs ou cheveux blancs, tous âges et profils mêlés, après une petite heure de sitting, la tribu disparate se mit en marche : direction le jardin des Tuileries via la rue des Rivoli, qui, soi dit en passant, est le samedi après midi, une des artères les plus fréquentée de la capitale !
Leaders et suiveurs, solitaires ou grands communicants : chaque chien montra qui il était : pas question de se laisser mener par un jack tonique quand on est un lévrier ! Au départ les propriétaires des petits chiens, un peu inquiets, vérifiaient régulièrement leurs arrières prêts à sauver leur petit compagnon des attaques des plus grands. En fait tout se passa bien. Nulle rixe, pas de grognements ou signe d’agacement et des aboiements plus jubilatoires que rageurs : des centaines de chiens suivaient le mouvement comme s’il s’agissait de leur promenade quotidienne. Arrêt photo de touristes « japonais : « une manif pour les chiens ? C’est marvelous ». Automobilistes zen laissant le passage sans faire preuve de leur légendaire agressivité : tous ceux qui croisèrent ce samedi après midi Luna, Rio, Milo ou Lola avaient un petit quelque chose d’enfantin dans les yeux, comme si cette rencontre avec l’animal mettait soudainement une touche impromptue de poésie et de nature entre béton et bitume… Jusqu’aux policiers appelés par le service d’ordre du musée du Louvre ( des centaines de chiens devant la Pyramide jamais on n’avait vu ça ! ) qui , aussi zen que les automobilistes , commentèrent benoitement : « si toutes les manifs se passaient comme ca .. »
« Regarde le petit chien, moi aussi je veux un petit chien », tandis la « dissolution » de la première manif canine « se faisait dans le calme », les enfants de la Ville tentaient de convaincre leurs parents de leur offrir le compagnon si souvent espéré.