J’aime mon chien, j’aime ma ville
par Christine d’Hauthuille, journaliste et coordinatrice du Comité OKA
Impossible de parler du chien en ville sans évoquer la propreté. Un sujet qui fait grincer les dents de toutes municipalités et qui hérisse les propriétaires citoyens fatigués d’être des cibles idéales. Le chien citadin est souvent confiné à son postérieur. Françoise, citoyenne avertie et fière de l’être, ne sort plus son chien sans les sacs bien visibles au bout de la laisse : « De cette manière je préviens que je ramasse, car avoir un sac au fond de sa poche n’empêche en rien les réflexions désobligeantes ».
Que le citoyen qui ne souhaite pas vivre dans une ville propre lève le doigt ? Si les Français n’ont guère la réputation d’être les champions de la propreté, ils le sont plus pour la revendication. Les mairies le savent bien et elles estiment près de 30% les plaintes déposées par des citoyens mécontents de l’hygiène de leurs trottoirs et pelouses. Tous les jours les agents de propreté de la ville de Paris collectent en moyenne 3000 tonnes de déchets ménagers. Et les ordures sur le trottoir, nos chiens n’y peuvent rien ! Selon une étude de la Facco-TNS-Soffres, le comportement des propriétaires est de plus en plus civique. Un sur deux ramasse toujours les déjections de son chien, un quart la plupart du temps, seul moins de 10% ne ramasserait jamais.
Sur Paris la mairie parle de 16 tonnes quotidiennes de crottes rejetées sur le trottoir mais n’indique pas le nombre ramassé. Un chiffre forcément en hausse : il y a moins de chiens en ville qu’auparavant et les propriétaires sont de plus en plus responsables donc il y a forcément moins de crottes qui trainent. Il est vrai que toutes les rues ne sont pas logées à la même enseigne : « Il y a des coins propres constate Armand agent de la propreté et des rues où il faut savoir slalomer ». Les crottes des uns, encourageraient-elles celles des autres ? Là est la question… A Paris où pourtant on recense 30 000 poubelles, dans certains quartiers il faut les chercher. « Se promener avec les déjections de son chien en mains, n’a rien d’agréable » déplore Annie, habitante d’un quartier chic de la capitale. Serge Belais, vétérinaire et président du comité OKA confirme : « C’est normal d’inciter les gens à ramasser mais s’il faut faire des centaines de mètres pour trouver une poubelle, ça peut en dissuader plus d’un ».
Que faire contre les crottoirs ?
Casse-tête pour les municipalités, certaines ont compris qu’il faut encourager le propriétaire en proposant des sacs avec des distributeurs. Grenoble, Bordeaux, Avignon, Caen, Boulogne Billancourt et bien d’autres n’ont pas hésiter à implanter de nombreux distributeurs. Des sacs à disposition pour ne donner aucune raison aux propriétaires de ne plus ramasser. D’autres petites villes comme la station balnéaire d’Houlgate investissent plus de 20 000 sacs pour la période estivale. Ce qui permet à la ville de rester propre et de récupérer des touristes. Il est vrai que c’est un coût et que des villes rechignent à investir, la mairie de Paris a calculé qu’avec une moyenne de deux sacs par jour, il faudrait entre 300 000 et 400 000 sacs par jours. Anne Hidalgo s’y refuse catégoriquement.
« Une crotte dans un sac ou une prune dans la poche »
Il y a les « négligeants », les indisciplinés qui oublient facilement que la sortie du chien a aussi pour fonction qu’il puisse se soulager ! Mais ceux qui ont le don de nous exaspérer au plus haut point ce sont les récalcitrants, ces indécrottables qui ne veulent en aucun cas ramasser : « Je ne peux pas, c’est au dessus de mes forces regrette Jean-Pierre, c’est physique voir phobique ». Dégout pour certains, je-m’en- foutisme pour d’autres. « Il y a les inciviques parfaits déplore Serge Belais, comme ce propriétaire d’un matin de Naples qui vient faire crotter son chien devant la clinique et qui se justifie par le fait de payer trop d’impôts. » Incivisme et mauvaise foi font souvent bon ménage. « J’ai plus souvent le témoignage de personnes âgées avec des petits chiens qui se font verbaliser plutôt que des propriétaires avec une tête peu engageante » regrette le vétérinaire.
Alors pour ceux qui ne veulent pas ramasser, les canisettes ont l’avantage de centrer le problème. Pour inciter les chiens à laisser leur commission à l’endroit choisi, des ingénieurs à Avignon ont trouvé une molécule qui attire les chiens dans un rayon de 100 mètres, un moyen efficace pour encourager les chiens à faire au même endroit.
Répression : la chasse est ouverte
Le ramassage des déjections est obligatoire par arrêté du 2 Avril 2002. Le non ramassage fait encourir à son maître une amende de 35 euros sur la base de l’article R632 du code pénal, rappelle la mairie de Paris. Une amende qui peut aller jusqu’à 450 euros mais parole de parisien, jamais nous n’avons eu écho d’une telle amende. « Des sanctions évidemment confirme Serge Belais mais attention de ne pas mettre des amendes trop fortes qui auraient l’effet inverse et qui inciterait les verbalisés à se lancer dans des procédures interminables ». Le problème des agents c’est le flagrant délit et comme explique Sébastien Rose, garde champêtre d’Erquinghem-Lys, à la Voix du Nord, « la difficulté est de prendre les auteurs sur le fait, c’est souvent le matin tôt ou tard le soir ».
Alors pour décourager les récalcitrants, les élus ne sont pas à cours d’idées, Yves Jego, le député-maire de Montereau-Fault-Yonne a su faire parler de sa ville en indiquant que dorénavant les caméras de surveillance serviraient aussi à traquer les crottes de chiens. Il s’en est expliqué à l’AFP : « Il s’agit de repérer et d’aller à l’encontre des propriétaires inciviques… J’ai beaucoup de plaintes et l’avantage de la caméra c’est que le propriétaire du chien ne pourra pas nier qu’on aura la photo ». Le maire de Retournac, près de St Etienne a compris que l’on pouvait lutter contre les crottes de chiens tout en faisant parler de sa ville. En 2013, il a organisé un concours de la plus belle crotte en incitant les habitants à prendre les récalcitrants en flagrant délit et « clic clac » la photo est exposée à la mairie. Un habitant de Normandie, quant à lui, a sorti son appareil photo et a exposé son « œuvre » sur un tableau. Mais les plus virulents ne sont pas chez nous. La municipalité de Jérusalem a annoncé son intention de prélever et répertorier l’ADN des chiens enregistrés dans la ville afin de mieux contraindre leurs propriétaires à ramasser leurs excréments, relatait le journal Le Monde. Une analyse ADN afin de retrouver les propriétaires, le directeur des services vétérinaires s’explique : « L’objectif n’est pas d’augmenter les amendes infligées aux propriétaires mais de réduire autant que possible les excréments potentiellement dangereux ». L’Allemagne s’y met aussi et en Italie, à Capri, c’est fini les crottes de chiens, la guerre est lancée ! L’ADN une mesure choc pour faire des économies de nettoyage et sécuriser les trottoirs. Ce sont les anglais qui y vont les plus forts. Contre les « CDC » des maires comme à Stafford récompensent à hauteur de 90 euros les personnes qui dénoncent ceux qui ne ramassent pas les déjections de leurs animaux : « Par souci de l’intérêt général » se justifie à l’AFP, un conseiller municipal en charge de l’environnement. Répression ou délation, la barrière est mince.
Information, éducation, sensibilisation
« La France mauvaise élève » titrait le site Wamiz mais avec de l’humour la sensibilisation passe mieux. A Belgrade une campagne a fait le tour du monde avec des fesses humaines en vedette et un message positif : « Pour une magnifique ville, nettoyez après votre chien ». Le maire d’une petite ville d’Espagne, Brunete, a décidé de renvoyer les crottes de chiens à leurs propriétaires par la poste. Un moyen comme un autre de restituer au propriétaire ce qu’il a égaré. Selon « El Mundo » cette opération a été un franc succès, les habitants ont pris cette initiative avec humour et la ville a constaté une baisse du nombre de crottes de chiens retrouvées dans les rues. Les français aussi ne manquent pas d’idées et d’humour. Pour preuve ces trois étudiants qui ont décidé de lancer une application gratuite pour Smartphones qui signale aux passants la présence de CDC. Changer les mentalités pour remporter une bataille dans cette guerre contre les CDC et sensibiliser les collectivités locales. Un concept inédit, Poople Maps est une application gratuite qui permet de géocaliser l’intrus et ensuite de le personnaliser selon votre imagination et humeur du moment. « Grâce à Poople Maps, les utilisateurs pourront s’amuser tout en prenant conscience de ce fléau urbain » argumentent les jeunes créateurs. Attention à ne pas marcher dans une crotte simplement en regardant votre smarthphone.
Alors voilà n’y allons pas par quatre chemins et comme dit Laurent Ruquier, « Ramasser les crottes de son chien, ce n’est pas écolo, c’est civique ».
Les « CDC » : l’avenir de demain, une énergie inépuisable
Nos amis québécois sont souvent en avance sur les initiatives qui font mouche et sans les attirer pour autant. Depuis plus de dix ans les parcs canins ont expérimentés l’usage de composteurs pour les crottes de chiens. Mélangé entre autres à la sciure de bois, ce compost est tellement riche en éléments nutritifs qu’après six mois il devient un engrais excellent pour plantes et pelouses, de plus sans odeur et risque de pollution. Un engrais naturel pour des besoins qui le sont aussi.
Mais la révolution de demain pourrait être celle de Gary Downie, un écossais qui cherche à commercialiser une machine capable de transformer 700 000 tonnes de « CDC » en biogaz. Une invention qui pourrait faire de sacrées économies aux collectivités locales et qui réglerait le problème des crottes jonchées sur le trottoir. Cet ancien banquier de Wallstreet s’explique : « Il faut que les gens aillent au-delà de l’effet beurk et qu’ils considèrent ce déchet comme un bien économique, comme une matière première, qui a aussi l’avantage social de créer des communautés plus saines et plus durables en exploitant des technologies vertes ».
Selon la société Animo-Concept un chien de 17 kilos ferait 5,5 kilos par mois, un gros chien le double. Alors avec un peu d’imagination imaginez le nombre d’engrais naturel et d’électricité que les chiens pourraient produire ?