Hommage à Lumie et aux propriétaires de chiens
Anonyme, Lettre punaisée sur un arbre, Paris 19ème (extrait)
Lumie est mort, mettant brutalement un terme à une relation étroite avec l’auteur de ces lignes. Trois années au cours desquelles le novice que j’étais en la matière a découvert cette amitié si particulière pouvant lier un homme à son chien. Trois années qui m’ont aussi permis de lier connaissance avec les propriétaires de chiens, des promeneurs et des promeneuses de tous âges : une étonnante spontanéité dans une ville comme Paris où prévaut plutôt la méfiance envers l’inconnu.
J’ai aussi croisé d’anciens propriétaires de chiens qui n’hésitaient pas à s’épancher, à raconter le chagrin qu’ils avaient eu lors de la disparition de leur compagnon, une grande tristesse que, bien souvent, ils ressentaient toujours bien longtemps après. Il fut un temps où il était bon ton de rallier « les mémères et leur chien-chien ». En parlant avec tous ces gens en laisse, on réalise le rôle irremplaçable de ce compagnon pour ces femmes et hommes esseulés. Bien souvent, votre interlocuteur vantera la fidélité absolue de son compagnon dont seraient bien incapables la plupart des humains. On vous louera aussi son intelligence, sa capacité à comprendre un très grand nombre de choses sans truchement.
Tout cela, je l’ai constaté chez « Loulou » petit spitz blanc, rapporté de New-York dans mes bagages en 2008. Sa première maîtresse, une jeune Taïwanaise, lui avait donné son nom – prononcé « «Loumi »-, diminutif de son invention à partir du mot « lumière ». « Ce sera un ange chien », m’a écrit ma fille en apprenant la nouvelle de son décès dû à une affection incurable.
Ces confidences et ces considérations canines peuvent sembler bien dérisoires à l’heure où le pouvoir syrien continue de massacrer une population insurgée qui n’en peut plus de décennies de tyrannie, où des Tibétains s’immolent par le feu en résistance à la brutalité coloniale de Pékin et où des miséreux meurent tous les jours de froid en Europe…C’est un bien grand chagrin pour un si petit chien, un petit rien du tout me direz-vous. Il est certes des chagrins bien plus grands. Ils n’effacent pas celui-ci pour autant.
(Lumie 2006-2012)
Le sosie de Lumie