Être un chien en Polynésie, c’est vivre l’enfer au paradis !
par Céline Desjardins
« Tu vends ou tu donnes ? » c’est ainsi que commence la majorité des appels passés aux associations de protection animale de Polynésie Française pour adopter un chien ou un chat. Cela résume bien l’absence totale de considération qu’une grande majorité de Polynésiens ont pour ces animaux. On prend, on jette pour un autre : le cycle infernal de la vie d’un animal polynésien.
Car un chat c’est bien connu c’est fait pour chasser les souris et un chien pour garder la maison, rien d’autre… mis à part peut être servir de jouet pour les enfants mais ça c’est seulement quand les chiots ou chatons ont moins de 2 mois car après ça devient gênant ces petites choses-là ! C’est ainsi que sont déposés quotidiennement des portées entières dans des cartons en bord de route, en plein soleil sur la plage ou bien perdu au fond de la montagne. L’abandon de cartons est presque devenu un sport national !
Pourtant à première vue Tahiti, Moorea, Bora-Bora sont plutôt des noms évoquant le paradis… le paradis pour certains oui mais pas pour tous. De nombreux touristes sont en effet choqués de croiser ces chiens faméliques, atteints de maladies de peaux avec un regard qui en dit long sur leurs conditions de vie.
Sur ces îles disséminées sur un territoire aussi vaste que l’Europe, à 17000km de la France, on a la sensation d’être sur une zone de non-droit en terme de maltraitance animale, comme si la distance séparant la Polynésie de la métropole empêchait les lois de s’appliquer. Ni la police ni la justice ne bougeront le petit doigt pour une « affaire de chien ». Certains policiers iront même jusqu’à dire à une mère choquée par le récit de son fils ayant vu son voisin en train de mettre à mort son chien pour le manger : « mais Madame c’est son chien, il en fait ce qu’il veut ». Car oui, il n’y a pas qu’en Chine où on mange du chien, en France aussi !
Pour une grande partie des chiens ayant un « maître », ils sont soit attachés à une chaine d’1m de long sans eau, sans abri pour se protéger de la chaleur accablante ou des pluies tropicales et nourri occasionnellement; soit laissés à vagabonder où ils vont se multiplier sans aucun contrôle. Mais dans les deux cas dès lors que survient le moindre petit problème de santé, le chien devient un véritable pestiféré et est donc abandonné ou alors un nouveau chiot, plus mignon, arrive et l’ancien est déplacé bien loin de là où sa présence est devenue gênante.
Certains chiens auront eux la chance de connaître une jeunesse heureuse et de faire partie d’une famille de métropolitains venus s’installer en Polynésie le temps de leur contrat de travail mais au moment du retour en France comme par magie le chien de famille ne fera pas parti du voyage pour milles et une fausses bonnes excuses. La famille partira pour de nouvelles aventures sans se retourner sur ce chien qui aura partagé entre 2 et 4 ans de vie commune.
Heureusement grâce au travail remarquable des associations comme Eimeo Animara sur l’île de Moorea, les mentalités changent tout doucement mais il est encore loin le temps où le téléphone des bénévoles cessera de sonner pour signaler ces cartons abandonnés, un chien maltraité ou qui tient à peine sur ses pattes, ce qui fut le cas de Kimo, devenu un peu la mascotte de l’association. Trouvé par une bénévole sur la plage alors qu’il ne lui restait plus que la peau sur les os et sans doute plus que quelques heures à vivre tant il était faible – marcher était même devenu un défi – il a progressivement été remis sur pieds mais combien d’autres n’auront pas cette chance…