48h dans la peau d’un éducateur canin
par Christine Le Tenier
Quoi de mieux que de passer du temps avec un éducateur canin pour avoir un aperçu du métier ? Yann LUCAS, éducateur canin sur Paris m’a gentiment proposé de le suivre pendant deux jours.
9H15 – C’est parti, je monte aux côtés de Yann dans sa kangoo spécialement aménagée pour le transport des chiens. Une truffe me renifle derrière la tête. C’est Nesquik, la chienne de Yann qui se demande qui est cette fille qui lui a piqué sa place devant ? Yann l’a gardé après l’avoir trouvé attachée à un poteau. Depuis elle coule des jours heureux avec son maître qu’elle accompagne dans son travail tout au long de la journée et elle court cinq à six fois par semaine au bois de Vincennes avec ses copains. Qui dit mieux pour un chien parisien ?
En route pour le 20ème arrondissement où nous retrouvons Nora, une jeune berger allemand pour l’apprentissage de la marche au pied avec sa maîtresse. Yann prend tout d’abord des nouvelles de la chienne et de son évolution au quotidien avec l’éducation. Seul le travail de l’éducateur ne suffit pas, il faut aussi que le maître s’investisse quotidiennement en faisant travailler son chien 2 à 3 fois par jour. Et quelques minutes suffisent. Pas la peine de fatiguer le chien, il faut que ces moments de travail restent un plaisir pour lui et le maître ! La relation n’en sera que meilleure.
Pendant cette demi-heure de conseils prodigués par Yann, j’apprends moi aussi. Par exemple, pendant la marche au pied, le chien ne doit pas faire ses besoins, ni renifler des odeurs, ni aller voir d’autres congénères. Le maître doit se faire obéir et surtout ne pas céder. Cela peut sembler dur mais encore une fois ce travail ne dure que quelques minutes et c’est une des facettes de l’éducation canine. En général, la marche au pied s’apprend avec une laisse et le chien à gauche du maître : « Tandis que la longe c’est plutôt pour travailler le rappel, elle sert à donner au chien une liberté tout en le surveillant ». Au moment du départ, je m’avance pour dire au revoir à Nora en la caressant, elle est tellement mignonne ! Mais là Yann me reprend : « On ne doit ni dire bonjour ni au revoir à un chien pendant le cours. Il faut l’ignorer sauf au moment même où le chien a bien agi où là on peut le caresser en guise de récompense ».
10h – En route pour le 12ème où l’on va chercher le premier candidat pour la ballade à Vincennes. Je m’attends à voir les propriétaires mais non, Yann a les clés pour rentrer dans l’appartement. Il m’explique qu’une fois les premiers rendez-vous passés et la confiance acquise, certains propriétaires n’hésitent pas à lui laisser un jeu de clés en leur absence. Et voilà Eko, un adorable labrador couleur chocolat qui arrive en remuant la queue tout content de nous voir. Il est bien chanceux celui-là aussi car ses maîtres le confie à Yann du lundi au vendredi pour qu’il puisse gambader. Qu’il est beau et gentil ! Il me fait penser à une boule tendre de chocolat au lait sur quatre pattes.
10h30 – On continue Place d’Aligre avec Eliot, un bichon qui a besoin d’apprendre également la marche au pied. Yann commence par travailler avec lui pour montrer à son maître comment faire. Et là, un York s’approche d’Eliot et l’attaque sans aucune raison. J’ai toujours été surprise de voir que des petits chiens n’ont aucune peur d’attaquer des plus gros. Et maintenant je comprends pourquoi car Yann m’indique qu’un chien ne se rend pas compte de sa taille.
11h15 – On enchaîne entre les 11ème et 20ème avec la tournée des toutous pour la ballade. Il y a Gatsby le magnifique Golden retriever ; Frimousse « la couineuse » Cocker noir et blanc ; Kerwan le Norwich terrier et Zoé la York. Cela fait donc 6 chiens en tout avec Eko et Nesquik. Et là je me dis : waouh ! Quelle responsabilité de surveiller tout ce petit monde à quatre pattes dans un bois où tout peut arriver.
12h00 – Pause déjeuner. Je prends des forces avec ma pizza en vue de la ballade. En tout cas, on a de la chance car il fait très beau. Ce qui n’est pas toujours le cas et qu’importe la météo pour un éducateur canin, la ballade est impérative !
13h00 – Arrivée au bois de Vincennes, on lâche les chiens. Et oui, vous avez bien lu ! Ils ne sont pas promenés en laisse car Yann a une règle : il ne prend que les chiens qu’il a éduqués donc ils les connaît et ça limite les problèmes. Quel bonheur de les voir courir, dire bonjour à un copain, renifler les odeurs de la forêt. Et moi aussi je suis heureuse d’être là, marchant dans la nature avec eux. La ballade est très agréable, j’en oublierais presque la proximité de Paris. Yann retrouve des confrères et des propriétaires de chiens qu’il a éduqués, ça discute à tout va. Les chiens s’amusent beaucoup : sauts d’obstacle, lancers de bâtons et plongeons dans la rivière sont au programme !
15h00/16h15 – Après l’effort le réconfort. On ramène chaque toutou à son domicile pour une sieste bien méritée.
17h00 – Rendez-vous dans les rues de Montreuil pour un cours de marche au pied avec Kiwi la Golden et ses maîtres. Autre leçon que j’apprends : il faut féliciter son chien notamment bébé quand celui-ci fait ses besoins dans un endroit approprié. Cela l’incitera à le refaire au même endroit et donc à devenir propre.
17h45 – Nous restons à Montreuil avec Lila un bébé labrador pour un cours d’assis – pas bouger en intérieur et extérieur avec la maman et sa petite fille. Yann est très pédagogue non seulement avec les adultes mais aussi avec les enfants. Il est patient, calme et ferme. Comme il explique : « L’éducation d’un animal se fait en douceur avec des gestes précis et fermes. Pas besoin de hurler ou d’être violent avec son chien pour se faire obéir, bien au contraire ».
19h15 – Dernier rendez-vous de la journée près des Buttes Chaumont pour la marche au pied avec Ichka, une bouldogue.
20h10 – Retour Place de la Nation. Fin de cette première journée très instructive mais fatigante !
21h00 – De retour chez moi, je suis lessivée mais contente. A peine le temps de câliner mon chat, je tombe de sommeil.
Les journées oscillent entre 10 et 11 heures de travail dont le déplacement. Il faut compter une moyenne de 4 à 5 heures dans sa voiture et faire preuve de patience entre les bouchons et la conduite des parisiens.
Le deuxième jour fût autant rempli que le précédent par les cours individuels et la ballade. De 6 chiens à promener on est passé à 10. « Si on s’imagine que le travail d’éducateur canin est un loisir, détrompez-vous ! ». C’est un vrai métier qui n’est pas de tout repos et qui demande empathie, pédagogie, rigueur, patience et courage. Alors mieux vaut être, comme Yann, un passionné des chiens.